jeudi 16 février 2006

Srecko Katanec


Mon nom est Srecko Katanec.

On dit souvent que j’ai un patronyme qui claque et que j’en impose. A vous d’en juger. Ma gueule de soudard et mes costards de mafieux pourraient laisser croire que je suis un homme de main. J’aurais pu faire carrière dans le roman de gare, j’aurais eu le rôle du tueur taiseux qui utilise un silencieux pour faire taire les maitres chanteurs, le genre de gorille qui jure fidélité à son parrain et qui finit une balle dans le dos.
J’ai un nom de brute et l’aura du type buriné qui en a vu d’autres, mais je ne suis qu’un ancien footballeur. Milieu de terrain brutal, dans les annéees 80-90, passé par le Dinamo Zagreb, le Partizan Belgrade, la sélection yougoslave, le VFB Stuttgart et la Sampdoria de Genes. Aujourd’hui retiré, j’exerce la profession d’entraîneur. Je viens d'être nommé à la tête de l'équipe de Macédoine. On dit que je suis un grand « motivateur » et un fin tacticien. Dans la presse, on me prête ce genre de propos : « Ma philosophie du football ? Tout est affaire de mental. Tout se passe dans la tête. » Je n’ai pas souvenir d’une telle déclaration. Mais un autre Srecko Katanec, un imposteur ayant volé mes papiers, aurait pu le dire.

En 2002, j’ai qualifié la Slovénie, mon petit pays, pour sa première Coupe du monde . On m’a célébré comme un héros, presque comme un mage. Les rues de Ljubljana étaient noires d’un monde qui criait : « Katanec », « Katanec ». C’est comme si, soudain, mon nom ne m’appartenait plus, presque dilué dans la multitude. J’eus ce jour-là l’impression, quasi physique, de me disséminer et de glisser le long de ce que Deleuze et Guattari appelaient des "lignes de fuite".

Je n’appartiens pas au groupe zéro mais je sais, grâce à des indiscrétions, que certains de ses membres me déroberaient volontiers mon nom pour l'utiliser comme pseudonyme. Je le leur laisse, je vous le laisse : je pourrais m’appeler Jean Cruchon ou Hans Gretel, cela ne changerait rien à ma situation et à mes costards criards.

zéro000

mardi 14 février 2006

quand je serai grand

L'ère de la potatoe machée à la hâte, par nos machoires de messieurs-dames patates, engloutir en vrac, concasser des fricassées, avec des rictus de porcelets : mozzarelle lyophilisée, briques de viande, ketchup, steak by steak, mayonnaise, frites, maman tu m'achètes un happy meal, maman il y a Ronald qui se passe des pelures d'oignon sous les aisselles, maman je veux être clown moi aussi, ou bouvier en choix n°2, maman il y a Ronald qui se branle entre mes bourrelets, je suis un enfant de 250 kilos qui fait la Une des tabloïds. Quand je serai grand, je fabriquerai des steaks. Dans mon CV, à la rubrique hobbies, il y aura : j'abats des cervelets, je décervèle des abats.

Et dans les entretiens d'embauche, toute ma civilisation finira par un vaste rot.

Quand je serai grand, je ferai ça.

zéro013

mardi 7 février 2006

zéro013 chez le notaire

Je prends un métro de retard, je repense aux maux d'estomac de cette nuit, j'ajuste ma cravate, je repense à l'insomnie, je déplie un quotidien économique, ma voisine porte des gants de satin, elle me taille un manitou, j'insère mon crayon de papier dans sa plèvre, je prends le petit-déjeuner avec elle, j'avale un bol de corne-flex, je quitte la rame, j'offre mon quotidien économique à un clochard, je sors de la bouche, j'ouvre la porte de l'office de notaire où je travaille, j'ai un quart d'heure de retard.

zéro013