vendredi 30 décembre 2005

L'enveloppe T poétique ! (A lire rapidement)

Nous recevons tous des enveloppes marquées de ce signe insigne. Moyen pour l'envoyeur de s'assurer de notre réponse, tout au moins de réduire au maximum ses chances de nous voir refuser son offre, service ou autres.
Souvent, pour ne pas dire toujours, ces pauvres enveloppes, qui ne demandent qu'à être utilisées, finissent à la poubelle. J'ai trouvé un moyen utile de leur éviter ce triste destin et de satisfaire leur penchant naturel au dévouement tout en les retournant habilement contre leur envoyeur.
Voici l'idée, en quelques mots : glisser un texte, un poème ou une image dans notre désormais charmante T afin d'inviter son ou sa destinataire (petite main) à un moment d'éphémère évasion.
Certains m'objecteront mon arriérisme technique : "Mais enfin, ni homme ni femme n'ouvre aujourd'hui vos fameuses (fumeuses ?) enveloppes T." A quoi je répondrai, bien que très doutant de l'assertion malhabile : "A défaut de faire rêver les humains, nous ferons rêver les machines."
(Derrière moi, c'est bien une porte que j'entends claquer ?)

Tous à vos enveloppes T, à vos textes, images, rêves et armes fourbies pour le combat ré-en-chantant.


Premier envoi

double zéros horizontaux

jeudi 29 décembre 2005

Il y a des jours...


Composer des figures abstraites est une fuite - éviter le pire - la peur du vide - la peur de s'affronter - de grandir. L'extension du réel n'est pas sans conséquences (sans penser aux conséquences des conséquences). Il existe un certain risque à changer - ne plus se reconnaître - pourtant non - ne plus être le même simplement.
Savoir que le changement est perpétuel même si invisible peut rassurer - aujourd'hui, quelque part, ça m'effraie.
La détente aura lieu - ... - pas ce soir.

zero06

mercredi 28 décembre 2005

L'exocet et l'oiseau-lyre



Je ne savais pas qu'un exocet pouvait être autre chose qu'un missile. Je l'ai appris aujourd'hui au travail, en corrigeant une grille de mots croisés, oui oui, il m'arrive d'avoir des jobs incroyables. Avant d'être une roquette, l'exocet, donc, est un poisson volant. Je n'y croyais pas, je n'y croyais pas, j'ai été vérifier dans le dico. Et là, implacable, la définition : l'exocet est un poisson volant des mers chaudes. Pour échapper à ses prédateurs, il bondit hors de l'eau et plane en déployant ses nageoires pectorales.

Je n'avais jamais perçu la dimension aquatique du mot, je passais à côté, je n'entendais que la sonorité anguleuse, ex-o-cet, des consonnes dures, un bruit quasi mécanique. Exocet, pour moi, ce n'était qu'un sigle, tout droit sorti d'une usine d'Aérospatiale Matra Missiles. Pas d'autre perspective que la trajectoire précise d'une roquette qui s'abat sur une cible au centimètre près, rien de très excitant.

Et pourtant, encore une fois, derrière l'évidence, on trouve une série de surprises et de chausse-trapes : alors que je trône sur mon tas de certitudes (exocet=missile), je tombe sur cette définition de mot croisé, et là, je suis pris d'un doute (et si le dico avait raison?). Par conscience professionnelle et parce que j'aime les surprises, j'ouvre donc un Larousse et c'est la claque.

Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Cette micro-aventure m'a ramené à une phrase d'Alain Bashung, que je me répète souvent, que je psalmodie avant d'aller faire dodo, qui revient sans crier garde, de façon épisodique, dans le bus, aux toilettes ou pendant une conférence emmerdante, un de ces leitmotivs qui claque dans la tête sans que l'on sache pourquoi et qui agit comme un stupéfiant.

Voici la phrase, extraite de la chanson Je me dore dans l'album L'Imprudence : "Un missile a élu domicile à l'hôtel de l'oiseau-lyre". Je ne parvenais pas à établir le lien entre l'oiseau-lyre, son vol harmonieux, sa légèreté et le missile, mot guerrier, utile, lourd, balistique et métallique.
Avec la découverte du sens premier d'exocet, c'est comme si tout devenait lumineux.

zero011

mardi 27 décembre 2005

A la Soupe !

Philippe Soupault. Photo : Man Ray

Quand le besoin de souder les rangs se fait sentir (mauvais temps, désertification, guerre, os, etc.), certains membres du groupe zéro se donnent rendez-vous dans le même livre. Il s’agit pour chacun de lire le même ouvrage au même moment que les camarades, on échange des impressions de lecture, on devise, on confronte. But du jeu : fabriquer une cabane commune.

Ces opérations de lecture simultanée ont débuté il y a un an. Il y eut d’abord La Vie mode d’emploi de Georges Perec (1978) puis La Mitrailleuse d’argile de Viktor Pelevine (1997). En ce moment, deux membres du groupe lisent Les Dernières Nuits de Paris de Philippe Soupault (1928).

Dans ce court roman, le narrateur passe ses nuits à déambuler dans Paris. Il y croise régulièrement une femme, Georgette, mi-fée mi-pute, qui, « avec son allure d’oiseau » rappelle la Nadja d’André Breton. Nadja commençait par ce questionnement : « Qui suis-je ? » Le texte de Soupault s’ouvre lui aussi sur une hésitation : « Elle souriait si drôlement que je ne pouvais m’empêcher de regarder son visage lunaire et peut-être que, malgré moi, je répondais à son sourire comme l’on répond à un miroir. » Nadja-Georgette, presque même combat : deux silhouettes que l’on piste pour y trouver notre propre identité.

A défaut d’une mystérieuse passante, il suffit parfois de suivre les courbes d’un fleuve. Dans le roman de Soupault, la Seine est partout. Elle serpente entre Georgette et le narrateur, elle enserre ce dernier dans ses boucles : « La Seine roule ainsi périodiquement pour ceux que l’amour, la crainte, la religion ou la folie étouffe, des sentiments qui sont de puissants narcotiques. » La Seine est un boa qui nous endort.

C’est dans ce contexte que je suis tombé sur un entretien accordé par Philippe Soupault au Magazine littéraire en 1968. Loin des clichés sur sa rupture avec André Breton (cris et châtiments, assiettes qui volent, etc.) Soupault affirme que son amitié pour le patron du surréalisme n’a jamais failli. « Je n'ai pas cessé de voir Breton quand je passais à Paris », dit-il, ajoutant : « ll était le codificateur. (…) Et le surréalisme n'a pu connaître la fortune qu'il a connue, prendre une telle importance que parce que c'était un travail d'équipe : la "centrale surréaliste" n'était pas un vain mot. Mais Breton était le trait d'union. Il avait un sens de l'amitié incomparable (…)»

On se dit : quel gentleman. Chapeau soupe. Même si le ton des Champs magnétiques, coécrit avec Breton, doit beaucoup à Soupault, l’élégant bonhomme se tient à distance, coûte que coûte, de l’histoire littéraire. Cette retenue l’a effacé des mémoires. Les manuels scolaires se trompent quand ils font de Breton un pape et de Soupault un sous-pape, voire une simple soupape.

Toute la Soupe que l’on aime transparaît dans cet entretien : son flegme, ses réserves, sa retenue, que Breton prenait pour du je-m’en-foutisme, et son ironie modeste. Je vous conseille donc d’y jeter un oeil.

zero05

lundi 26 décembre 2005

zero03 dans le train

C'était hier, c'était post-réveillon. Le Dijon-Paris dure trois heures.

Quand le train stoppe à Tonnerre, dans l'Yonne, on parle d'éléctrocardiographie avec une infirmière pour qui on a un petit faible, ce n'est pas un coup de foudre mais presque. A la rotonde de Laroche-Migennes, une rousse opulente pas très belle quitte le wagon, des bidasses de retour de permission se retournent sur son passage, ils regardent la fausse rousse, ses cheveux sont teints avec précipitation, on croirait que son beau-père lui a plongé la tête dans un bac de bauxite pour la punir de ne pas avoir dit merci à tonton et tata pour les cadeaux, les bidasses ont des regards lourds, leur paquetage s'abat au moment où le train repart.

Plus loin, Joigny. La semaine dernière, au restaurant d'entreprise, un collègue m'a raconté que sa famille y passait les fêtes, on l'imagine là, derrière la brume, derrière l'une des fenêtres éclairées, en train de faire le con sous les guirlandes, en train de faire le mime avec les mômes, à dada sur mon bidet, et le grand-père se gave de dinde aux marrons, fumet, tourte aux oies, la grand-mère pique une crise car on l'agresse, elle en a marre, c'est chaque année la même comédie, elle ne fera plus le sapin si c'est comme ça. Elle se casse avec les boules.

Sens, dans l'Yonne, c'est la dernière étape avant Paris. Un homme accompagné d'un labrador et d'un pantalon à carreaux, comme celui d'un clown, s'installe devant moi. Son chien-bouffon s'abrite sous mon siège. En se penchant un peu, on aperçoit une patte et un museau-mufle qui dépassent. Le labrador-mouflon ronfle déjà.

zero03