mercredi 27 décembre 2006

Dupliqué



Photocopie ta tête, m'ordonne mon ombre. Je m'exécute. Pose mon crâne sur la plaque de verre et presse le bouton. La cartouche s'enclenche. Son bruit mat fait vibrer les parois de la machine. Petit moment d'hésitation, puis lumière crue de couloir. Mes rétines encaissent. Je sens derrière moi le pas narquois de mes collègues. Le jet d'encre achève le travail : duplicata noir et blanc. C'est une Brother.

On ne distingue que de longs et obscurs coups de griffes, des traits lourds, des esquisses crues et maladroites, sans perspective, comme une échographie mais en moins cellophané. Le papier est de mauvaise qualité, certes, mais cela n'explique pas tout : je dois m'y résoudre, on ne me reconnaît pas.

Je découpe la feuille avec application, puis la perce des deux côtés. Deux petits trous dans lesquels je glisse un élastique. J'installe la photocopie sur mon visage. Désormais, mes collègues s'entretiendront avec ma réplique.

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jeudi 2 novembre 2006

Entre ici, Jacques Derrida

En 1982, le Britannique Ken Mc Mullen réalise Ghost Dance, où il est question de mémoire et de fantômes. Jacques Derrida y fait une apparition quasi spectrale. On le voit ici face à la très belle et très pâle actrice Pascale Ogier, morte en 1984, à 24 ans. "L'avenir est aux fantômes", ironise Derrida dans cette séquence. A ne pas rater : l'interruption téléphonique, où le philosophe semble prendre rendez-vous avec l'au-delà...

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mercredi 25 octobre 2006

showbiz

Immobiliser un homme invisible, c'est aisé.
Suffit de magnétiser sa mise de dandy enlisé, d'électriser ses poses de bison démobilisé et, enfin, de baliser ses enzymes de bises oisives, please.

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jeudi 12 octobre 2006

V.

A Malte, pendant la Deuxième Guerre mondiale, en plein siège de l'île. Alors que les Messerschmitt crachent leur semence de fer, deux mystérieux amants s'emboîtent. Ce couple est l'un des multiples rhizomes qui traversent V., premier roman inclassable de Thomas Pynchon, paru en 1963. Extraction : "Nous n'avions eu recours, semble-t-il, qu'à La Valette pour combler le creux de notre être. La pierre et le métal ne peuvent nourrir. Nous étions assis là, l'oeil affamé, prêtant l'oreille au feuillage énervé. De quoi pouvions-nous nous nourrir? L'un de l'autre, seulement."

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jeudi 5 octobre 2006

Concombres

Profitons de l'interlude nocturne pour glisser, ni vu ni connu, un moment de réclame pour des camarades. C'est un concert, ça se passe vendredi soir à Paris, à l'Abracadabar, 123 av. Jean Jaurès, 19e arrondissement. Du rock légumier et hirsute, fait par des Hommes concombres. Leur site est et le concert ici.

jeudi 21 septembre 2006

La limace marche dans le jardin

En feuilletant ce matin un livre sur "les produits du jardin", j'ai croisé quelques bêtes connues et moins connues. Si tout le monde sait que la coccinelle mange les pucerons (ou aphidés), que la grive se délecte d'escargots et que le crapaud gloutonne limaces et autres moustiques, qui sait que le hérisson raffole des mille-pattes, que l'hémérobe joue la concurrente de la coccinelle et que le scolopendre gobe les oeufs de limaces. Eh oui, encore elle. La pauvre est la cible favorite des colocataires du jardin. Ne nous étonnons donc pas de son amour immodéré pour la bière. Oui, apprenons à respecter ce digne animal meurtri qui fuit avec lenteur (la légendaire lenteur étant réservée à l'escargot) ses soucis quotidiens et louons comme il se boit nos moyen-âgeux amis brasseurs qui lui ménagent de longue date une sortie honorable.

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mardi 19 septembre 2006

La dynamique des verres à pied

Les verres à pied dans le plat : le couple ici-bas fait le bilan de dix ans de célibat à deux. Monsieur et madame dînent une dernière fois. C'est un restaurant sans charme où l'on avale des fruits de mer face à un vétuste aquarium dédié aux rascasses. Un lieu d'amour à peu-près, où l'on sent bien qu'il ne sert plus à rien de mentir. Le serveur indiscret les épie. Monsieur est gêné, ses lèvres font des ronds-de-jambes, ses battements baissent.
- Tais-toi, murmure monsieur, et il mâche nerveusement sa serviette en papier, qui peu à peu s'effiloche.
Madame malaxe les verres à pied où le serveur a versé un Sancerre qu'elle trouve amer. « Les verres à pied seuls savent le chemin de la soie », dit madame, avant de commander l'addition.

Texte publié dans Coitus Impromptus, carnet d'écritures collectives.

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samedi 16 septembre 2006

Piéton-poème

Propos recueillis sur le marché de Moëlan-sur-Mer (rue Cécile Ravallec) le 8 août 2006 vers midi :

Pour les petits c'est un véritable apprentissage au coloriage.
Les pêches elles ont des poils sur la peau, les brugnons n'en ont pas.
Eh les filles si vous voulez faire votre rangée.
J'irai ailleurs ou chez Auchan.
Vous allez où ?
Est-ce que tu as vu la taille de ton bassin ? Tu n'es pas une dame.
J'te parle pas d'là j'te parle de la route.
Eh ben alors on vous cherchait.


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vendredi 15 septembre 2006

On a retrouvé le Groupe Zéro

On n'entendait plus rien, on les croyait morts ou partis pour le carnaval d'Oulan Bator. Il n'en est rien, ils étaient en train de préparer leur reconversion. C'est décidé, le Groupe Zéro se lance dans la musique. Premier clip ici.

lundi 28 août 2006

Sonar plat

Le tube me sonde, m'escroque, me retapisse l'intestin morse. Et l'electrocardiogramme flatte mes plus bas instincts. C'est comme si des morsures d'aspic m'accrochaient ce qui me reste d'estomac. Le médecin me parle, au loin, dans une langue inexpressive et je n'ai plus le courage d'acquiescer. Je n'entends que les échos du sonar. Une infirmière fait des ronds dans l'eau. Je pique du nez.

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lundi 14 août 2006

Détale

Pastèque et mat, Ozy, range ton cran qui m'enquiquine. Tes moues d'aigle. Tes dents en forme d'arc. Ozy, ton nom à particule cachée, fous-le aux tiroirs, avec tes prototypes de canon à eau. Tes projets de loi aussi. Décape de là. Découpe-toi.
Sois l'oubli. Ecoute les alertes et monte sur la chaloupe vermoulue où croulent ceux qui crèvent la dalle, on te dévorera les os. Mange-toi, et désengorge enfin l'horizon.

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mardi 25 juillet 2006

Pynchon a bougé

Impossible de rester calme quand on apprend que le nouveau roman de l'Américain Thomas Pynchon devrait apparaître à la fin de cette année. Il pourrait s'appeler Contre le jour, selon la rumeur. Dans l'annonce que l'auteur, as du marketing cagoulé, livre au site marchand Amazon, on apprend que l'action du roman se déroulera "entre l'Exposition universelle de Chicago de 1893 et les lendemains de la première guerre mondiale, entre les troubles sociaux du Colorado et le tournant du siècle new-yorkais, à Londres et Göttingen, Veniseet Vienne, les Balkans, l'Asie centrale, en Sibérie au temps des mystérieux événements de Tunguska, au Mexique durant la révolution, dans le Paris d'après-guerre, au temps du cinéma muet à Hollywood et dans un ou deux endroits qui ne sont même pas sur la carte". Impossible de rester calme, vous dit-on, on tremble comme des groupies. L'annonce complète se trouve ici.

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lundi 17 juillet 2006

Fête foraine

J'ai trempé ma tête dans une cagoule d'antimatière, ripoliné mon corps avec une peinture transparente, gouaché mes traits, repris de la barbapapa, ajusté ma cravate de verre, poli le monocle qui m'irritait l'orbite, puis, apaisé, je t'ai rendu le yoyo que je t'avais volé lors de notre course-poursuite, souviens-toi, au palais des glaces.

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vendredi 14 juillet 2006

Ne jamais perdre une occasion de s'instruire

Je me promenais ce 14 juillet 2006 au milieu des étals de brocanteurs qui tapissent traditionnellement la France en ce jour de fête nationale lorsque je découvris ce livre inattendu mais tant espéré. Les seuls mots de l'introduction suffirent à me ravir et me convainquirent de sortir de ma poche les quelques centimes nécessaires à son acquisition.

Introduction
"TAXIDERMIE, n.f. (gr. taxis, arrangement, et derma, peau).
Histoire naturelle. Art de préparer et de conserver l'enveloppe tégumentaire des animaux morts en lui donnant les formes qu'elle présentait chez l'animal vivant.
Syn. Empaillement.
La taxidermie comprend quatre opérations successives qui consistent à dépouiller l'animal, à le bourrer, à le monter et à le soustraire par une préparation chimique soit à la putréfaction, soit à la voracité de certains insectes." (Extrait de l'ENCYCLOPEDIE LELAND, volume 17.)

Puis l'auteur de finir par ces quelques mots d'encouragement :

"Pratiquez souvent et approfondissez sans cesse vos connaissances en histoire naturelle. Bien faite, la taxidermie est passionnante et rémunératrice.
La patience et la persévérance sont les qualités fondamentales d'un bon taxidermiste."

Je n'ai, pour ma part, plus qu'une chose à vous dire : tous à vos bistouris (manche n°3 et lames n°10) !

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jeudi 13 juillet 2006

Définition

Miasme {mjasm} n.m.
Figure de rhétorique formée du croisement des miaulements d'un chat asthmatique et des gaz putrides provenant de substances animales en décomposition.

vendredi 7 juillet 2006

Gratte-ciel à terre

Je n'ai plus que des larmes de sel à verser, à sec, sur ce paillasson. Autrefois se dressait là un gratte-ciel rempli de maraudeurs et de fous. Un repaire où cohabitaient pétroleuses, corsaires et autres têtes à turbule. Aujourd'hui, le porche sonne creux. L'immeuble ne ressemble plus à cette ruche qui nous soudait : hall désert, digicode, un ascenseur a remplacé l'escalier en colimaçon, il y a des tapis partout et de la moquette pour feutrer les pas. Les jalousies ont été murées. Derrière sa porte, écarquillée, la concierge me confond avec quelqu'un d'autre. Qui êtes-vous ? me demande-t-elle avec inquiétude.

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lundi 3 juillet 2006

Absences

Nous n'étions plus que des pains de glace. L'un croupissait dans une chambre froide à Amsterdam. Un autre s'arc-boutait dans le Finistère, où il s'initiait aux parties de cache-cache entre les rochers. L'un suivait les matches de la Coupe du monde dans une clinique de repos. L'autre cherchait à acheter une maison au fond des bois, quelque part dans le Doubs. Nous nous dilapidions.

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jeudi 8 juin 2006

Chapelure

Manger son chapeau comme on soulève une lourde chape d'ego, voir ce qu'il y a derrière et, si cette chape est trop lourde, la gratter, la presser, la pilonner, pour la réduire à l'état de chapelure.
Se disséminer puis changer de couvre-chef. Opter pour le haut de forme, et l'utiliser comme plateforme, afin de mieux embrasser les panoramas qui nous entourent.

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mercredi 7 juin 2006

Le jour d'après

Hier, 6/6/6, c'était la fin du monde. Le jour de la Bête, comme on dit dans les colloques satanistes. Hier, c'était la fin du monde et j'ai déjeuné au Flunch rue Caulaincourt. Hier, c'était la fin du monde et j'étais au cinéma pour voir Le Bois lacté, un film allemand sorti en 2004. Hier, c'était la fin du monde et j'ai envoyé un colis en Australie. Hier, c'était la fin du monde et j'ai retrouvé par hasard une phrase de Pessoa : "Sois pluriel comme l'univers", dans Fragments d'un voyage immobile et cette phrase m'a donné envie de m'éparpiller. Hier, c'était la fin du monde et j'ai déposé un chèque à la banque. Hier, c'était la fin du monde et j'ai cherché le mot hexakosioihexekontahexaphobie dans le dictionnaire, en vain, après l'avoir trouvé sur google. Hier, c'était la fin du monde et j'ai fait mes courses au Monoprix, avenue Gambetta. Hier, c'était la fin du monde et je n'ai fait que fuir.

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mardi 30 mai 2006

Quelques questions que vous vous posez

Vous vous demandez ce que des gens comme nous ont derrière la tête : la réponse est ici.
Vous avez toujours voulu savoir ce que vous avez vraiment dans le ventre : cliquez ici.
Les mystères intérieurs du chat de la voisine vous taraudent : soulagez-vous.

Si vous avez d'autres interrogations, n'hésitez pas à nous les poser et à en débattre.

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mardi 23 mai 2006

Ajusteur d'appuie-tête

Quand on était petit, on rêvait d'être policeman ou brigand, avaleur de sabres ou cracheur de feu, aviateur, maître-queux ou bonhomme de neige... Après avoir raté les concours pour tous ces métiers, il fallait bien manger, alors on est passé à autre chose. On s'est reconverti. On a tout fait : ajusteur d'appuie-têtes, vélocipédiste, noyeur de verres d'eau, testeur de jouets, maître-grenouiller, macro-mécano, tapeur de tapuscrits, figurant dans Astérix, orthotypographe, vendangeur, cueilleur d'opinions, journaliste agricole, homme-sandwich, mascotte, vendeurs de cassettes vidéo, garde-chiourme, nettoyeur de cuves de bauxite, etc.

Notre CV est un masque de carnaval. Nous ne nous rendrons pas.

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mercredi 17 mai 2006

lundi 15 mai 2006

Sélection

Puisque l'heure est aux miscellanées et aux compilations, voici ma liste des 23, dans le désordre, et sans réfléchir :

Mille plateaux
(Felix Guattari & Gilles Deleuze)
L'Ouvre-Boîtes (Jacques Audiberti & Camille Bryen)
L'Amour fou (André Breton)
L'Epi monstre (Nicolas Genka)
V. (Thomas Pynchon)
Americana (Don de Lillo)
Les Champs magnétiques (André Breton & Philippe Soupault)
La Vie mode d'emploi (Georges Perec)
La Mitrailleuse d'argile (Viktor Pelevine)
Le Contre-Ciel (René Daumal)
Nadja (André Breton)
Manhattan Transfer (John Dos Passos)
La Dissémination (Jacques Derrida)
Fantômas (Marcel Allain & Pierre Souvestre)
Faire le mort (Didier Blonde)
Préhistoire (Eric Chevillard)
Le Chateau de Cène (Bernard Noël)
L'Education du stoïcien (Fernando Pessoa)
Une saison en enfer (Arthur Rimbaud)
Les Chants de Maldoror (Comte de Lautréamont)
Ping-Pong (Jerome Charyn)
Sur le fleuve Amour (Joseph Delteil)
Snake (Youri Djorkaeff)

J'attends vos listes des 23.

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mardi 9 mai 2006

Grand Jeu

Les premières lignes de La Grande Beuverie, de René Daumal (1908-1944), nous incitent à jeter nos papiers d'identité à la poubelle. En faire des boulettes de papelard qu'ensuite on écharpera en mille milliards de copeaux-lardons.

“Il était tard lorsque nous bûmes. Nous pensions tous qu’il était grand temps de commencer. Ce qu’il y avait eu avant, on ne s’en souvenait plus. On se disait seulement qu’il était déjà tard. Savoir d’où chacun venait, en quel point du globe (et en tout cas ce n’était pas un point), et le jour du mois de quelle année, tout cela nous dépassait. On ne soulève pas de telle question quand on a soif.”


Atteindre cet état de stase, entre hébétude et surprise, nécessite l'entrée en clandestinité. Et dans les maquis, mieux vaut circuler sans passeport. Si vous souhaitez participer à cette beuverie, débarrassez-vous de votre nom et pénétrez les sous-bois.

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vendredi 5 mai 2006

Rhutababarbe

Le mot "rutabaga", par exemple, est une arme télescopique à retourner contre ceux qui ne croient plus aux terres inconnues. On pourrait aussi citer les peu anecdotiques "rhubarbe", "griffon", "ouaouaron", "sommaire" ou "pâmoison".

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mercredi 26 avril 2006

Voix

Passé une partie de la nuit en compagnie des voix de Blaise Cendrars (une voix de rusticité & cocasserie), Antonin Artaud (une voix d'insecticide), André Breton (voix de guru, ample et investie), Apollinaire (voix d'outre-grammophone) ou Isidore Isou (voix enfantine et luxée, canaillerie), grace aux enregistrements sonores mis en ligne par la Revue des ressources.

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dimanche 23 avril 2006

A bout de souffle


Le film de Godard ne te plaisait pas, tu t’agitais, les autres spectateurs te regardaient. Tu me planterais là, jurais-tu, en pleine séance, tu me laisserais à mon désert. Tu me traitais de « snob ». Tu disais des choses dures, en rafale, des « j’en peux plus », des « sortons de là », et la bobine défilait, imperturbable : Jean Seberg vend le Herald Tribune sur les Champs-Elysées, Belmondo fait son minouche. Tu disais que nous vivions ensemble depuis trois ans. Tu voulais souffler. Je t’écoutais à peine. Quand tu es partie, Jean Seberg a murmuré : « Je voudrais penser à quelque chose et je n’arrive pas. »


Texte publié dans Coitus Impromptus, carnet d'écritures collectives.

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dimanche 16 avril 2006

Faites bouillir


Elle était fan d'Alain Souchon. Elle voulait "passer notre amour à la machine". Un soir d'excès, j'ai suivi le conseil.

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samedi 15 avril 2006

Vingt ans encore

Vingt ans que je me dis que je n'ai plus vingt ans et que mes lombaires se tassent. Vingt ans à se repoudrer le nez pour faire bonne figure, dans les salons, en douce, quand tout le monde a le dos tourné et que la solitude des cabinets pour dames vous amadoue. Vingt ans à me demander : liposuccion ou plasto-chirurgie ? Vingt ans à hésiter entre un ravalement de façade et l'acquisition de prothèses de madame mamelouk. Vingt ans à prendre de l'herbe-aux-chats pour mieux dormir. Vingt ans à me laver les dents matin, midi et soir. Vingt ans à guetter des billets doux qui s'espacent au fil des déménagements. Vingt ans à regretter l'époque où des rustauds vous abordaient dans le métro pour vous dire : "vous êtes belle". Et vingt ans encore à patienter avant de se dire qu'on a dépassé la quarantaine depuis vingt ans.


Texte publié dans Coitus Impromptus, carnet d'écritures collectives.

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vendredi 14 avril 2006

Intervalles



Comment se fait-il que quatre Coupes du Monde aient été jouées en 12 ans alors qu'il faut attendre quatre ans entre chacune d'elles ?

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(Barthez, préoccupé par la question, compte.)

jeudi 13 avril 2006

Contrefaçon


Question : un contrefacteur est-il un faussaire ou un ennemi des postiers ?

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lundi 10 avril 2006

Résolutions

On avait oublié de livrer nos résolutions pour 2006, o les voilà : manger un disque et un mange-disque - faire un ping-pong avec son ombre - parader en pagne dans le métro - mettre la convoitise en déroute - recoudre un dé - porter une fois au moins un monocle, et prendre un air affecté, de préférence lors d'une soirée mondaine - moucher un cocher - alterner, dans la même demi-heure, luxure statique et ascétisme cinétique - repeupler les buissons - molester les mollets un éditorialiste - relire les Mémoires de Chewbacca.

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samedi 8 avril 2006

Jarrivisme


Aujourd'hui, la librairie Campo Novo, à Besançon, avait invité deux membres du groupe zéro, les auteurs du Dictionnaire Zéro (sorti fin 2005 chez Melville éditeur). Un des lecteurs présents dans la boutique, sorte de drille anglomane et paralettriste, exigea qu'on lui fournisse une définition des mots "jarrivisme" et "post-humain". Les auteurs hochèrent et s'exécutèrent, prêts à tout, les tristes sires, pour transmettre leurs vices.

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vendredi 7 avril 2006

Le soleil ne se lève pas toujours là où on l'attend.

N'étant pas de fervents adeptes du chaos et ne cherchant à provoquer aucune rencontre particulière, nous déambulions dans les rues de Baume-les-Nonnes, paisible cité doubiste. Seuls nos mots, discrètement articulés, suscitaient une timide agitation de l'air. Inspiration. Expiration. Et quelques phrases plus loin, nous avancions.
Ce n'est qu'après avoir appris qu'un homme s'était pendu là, six mois auparavant, que notre démarche se fit plus hésitante.

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vendredi 17 mars 2006

Adore, now

Gloutonnons, gloutonnons, absorbons jusqu'à plus-faim, engloutissons, achetons une motobineuse pour papa, offrons une cafetière stroboscopique à maman, et le dernier CD de Souchon en duo avec Cannibal Corpse, avalons et cavalons dans les supermarchés, minimarkets autofictifs, cachetonnons à la sauce piquante, écoutons les choix de la fnac, et le dernier livre de Nourrissier remixé par les Chemical Brothers, ramonons nos moignons pour en faire des marges arrières. Avec carrefour, je positive. Au champ : la vie la vraie. Et, en attendant le messie, recyclons les mots de Theodor Adorno (1903-1969):


"De même qu’ils veulent toujours ne rien manquer, de même les clients de la société de masse, ne peuvent-ils rien laisser passer…. Alors que le mélomane du XIXe siècle se contentait de voir un seul acte de l’opéra, en partie pour cette raison barbare qu’il ne voulait pas abréger son dîner pour un spectacle, la barbarie est arrivée entre-temps à un point tel qu’elle ne parvient plus à se rassasier de culture. Tout programme doit être avalé jusqu’au bout, tout best seller doit être lu, tout film doit être vu pendant sa période de plus grand succès, dans la salle d’exclusivité. La masse de ce que l’on consomme sans discernement atteint des proportions inquiétantes. Elle empêche qu’on s’y retrouve et, de même que dans un grand magasin on se met en quête d’un guide, la population, coincée entre tout ce qui s’offre à elle, attend le sien".


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mercredi 15 mars 2006

Paratonnerre


Heureux le fouineur qui tombe au détour d'un tour sur un aphorisme de Lichtenberg. Exemple : "Rien ne contribue davantage à la sérénité de l’âme que de n’avoir aucune opinion."

Sur Lichtenberg (1742-1799) : philosophe, encyclopédiste, bossu, physicien allemand qui traqua les secrets de l'électricité. As de l'aphorisme et de l'ironie, célébré par André Breton dans son Anthologie de l'humour noir, Lichtenberg remplissait ses cahiers de bribes et d'esquisses. Une pensée en forme de pointe, comme une décharge électrique.

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mardi 14 mars 2006

Noirs de monde

Nous sommes des sommes.

Au gré des périples et des rencontres, les membres du groupe zéro (les imaginaires et les autres) ont appris à donner la parole à leurs dizaines de colocataires mentaux. Nous avons arpenté des livres (Mille plateaux, Nadja, Americana, La Vie mode d’emploi…), ébauché des tracts, dérivé psychogéographiquement, disséqué des herbiers, été noirs de monde, collé des affiches, tenté de concilier les leçons de foot du Hollandais Johan Cruyff et de l’Ukrainien Valeri Lobanovski, nous avons tremblé devant les multiples possibilités (tiroirs, calembours, télescopes, jeux, chausse-trapes, clés, archéo-étymologie, etc.) de mots comme « essaim », « trac », « foule », « cartographie », « vide-grenier », etc.

Après tous ces conciliabules, nous avons bu une bière, fait une liste de courses et publié un ouvrage.

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vendredi 10 mars 2006

Nous sommes tous des brigadiers




Il y a des rencontres, entre deux verres de bière, qui vous mettent par terre. Nous étions mercredi soir en train de bavarder, entre compagnons, dans un rade parisien, du côté de Ménilmontant (le Babel café, où il se passe toujours quelque chose) quand un hurlubonhomme vint rompre le ronron de nos conversations. Le gugusse était minuscule, moustache à l'ancienne, une énorme casquette en guise de paratonnerre, et de tout petits yeux fiévreux qui roulent dans tous les sens, les yeux de celui qui trame des gags prophétiques. L'homme déblatère à la vitesse d'un shérif. Son débit nous prend de cours : "je suis le chef de la brigade, je travaille pour la police de l'univers, la brigade, 7-7-7, police de l'univers". On commence à goguenarder, encore un sorcier de comptoir, on sourit poliment. Certaines de ses phrases sont inaudibles. Sur le ton de la confidence, il nous lâche : "je suis là en sous-marin, 7-7-7, j'ai beaucoup d'ennemis, la brigade a beaucoup d'ennemis, heureusement, la police de l'univers est là pour nous libérer." Et on se prend au jeu, on demande des précisions. On aimerait en savoir plus sur le 7-7-7. L'homme - il s'appelle Aldo - veut nous enrôler. "Vous êtes de la famille, les gars, 7-7-7, police de l'univers ", assure-t-il. L'un d'entre nous est affublé du grade de "capitaine". Aldo, qui se définit comme "chef des brigadiers", s'en prend ensuite aux "vieux, ceux qui ont le pouvoir, les vieux c'est de la racaille, il faut s'en débarrasser". Aldo n'aime pas trop l'Etat. La police de l'univers a le souffle insurrectionnel d'une jeunesse qui refuserait de se démettre, même si son porte-parole a largement dépassé la quarantaine. Après nous avoir répété une dernière fois que "la police de l'univers, 7-7-7, a beaucoup d'ennemis", Aldo salue d'autres tablées - c'est un habitué - et disparaît dans Ménilmontant. On se regarde, interloqués, prets à le suivre pour intégrer la police de l'univers.

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PS : on s'est dit que l'aventure ne pouvait pas s'arrêter là. Après quelques recherches sur internet, le lendemain, on a retrouvé la trace de notre prophète. Son nom de scène est Aldo Vegas. C'est une légende des nuits interlopes. Notre brigadier serait poète, vendeur de couteaux, fou, chanteur, imposteur... Un site lui est même consacré. On y parle, bien sûr, de police de l'univers. Et de 7-7-7. C'est là.

jeudi 9 mars 2006

Train numéro

J'entre dans le TER 91009, voiture 16, place 11 à 78. Je m'installe dans un compartiment vide de 8 places. Place n°46, dans le sens de la marche. Sur la vitre extérieure est gravé : (en haut) BOUSSOIS - 10 A 79 - SECURIT (bas intérieur) SECURITE - AIV 02-01 (bas extérieur) SECURITE - AIV O5-00
Sur les supports à vêtements de verre marron : SECURITE - V.T.F. 01-82
Sur les deux portes du compartiment : PARSOL trempé - Saint-Gobin Vitrage - AE 10-81
Sur la fenêtre côté couloir : SECURITE - AIV 00-05
Au-dessus de la fenêtre du compartiment est inscrit en caractères blancs sur fond vert : Issue de secours - Brisez la vitre - à l'aide du marteau
Un shéma explicatif en cinq images de couleur suit ce conseil.
Au-dessus de la porte double du compartiment deux thermomètres sont dessinés et encadrent un bouton. Le thermomètre de gauche est bleu, celui de droite est rouge. Sur le bouton se trouve un point blanc. Le point blanc voisine avec le bas du thermomètre rouge.
J'ai froid, le chauffage ne fonctionne pas.

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lundi 6 mars 2006

Inculte


Dans son dernier numéro (janvier 2006), Inculte, revue littéraire et philosophique, propose un dossier sur "la récupération". Pas d'hystérie ici. Les textes sont retenus. Il y a de la détermination réformiste dans cette revue, mais le docte ton de certains passages peut agacer, notamment dans l'introduction. Exemple : "la récupération est la répétition en tant qu'elle altère la proposition d'origine, qu'elle la recontextualise dans une économie différente de celle de son énonciation ou de sa présentation premières." Ici ça sent les fiers diplômes, la prison universitaire et les années passées à policer une thèse. Heureusement, un peu plus loin, un texte de Mathias Enard détourne avec malice les formes du discours universitaire.

On lit dans Inculte des choses respectables. La revue défend le droit à l'interprétation, à la récupération, et tape avec précision sur le concept d'idée originelle, idée "à l'abri des autres", vieille lune de tous les fanatiques et autres adorateurs de dadame pureté. Olivier Rohe écrit : "Il n'y a que des copies, des idées imbriquées les unes les autres, un tas de broussaille indémêlable. La paternité d'une pensée n'est que fiction. Les idées naissent sous X." Puis, concluant son article, il dit : "La déploration de la récupération qui se joue sur le terrain de l'interprétation et de la trahison, démontre une domestication de la vie. Ne pas tolérer des interprétations non conformes; sanctionner la circulation et prévenir le risque du dévoiement; déplorer l'existence du temps et le vivre sous le signe de la rétention : toutes ces postures qui motivent le procès de la récupération n'expriment, in fine, qu'une passion triste. Une passion pour l'ordre." Là on se dit qu'on a bien fait d'ouvrir Inculte.

On trouve plein d'autres choses dans Inculte, la réédition d'une interview de JG Ballard, un "Manifeste pour un cinéma violent", de 1968, signé Philippe Garrel, et deux textes de fiction. Courez chez les incultes.
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jeudi 16 février 2006

Srecko Katanec


Mon nom est Srecko Katanec.

On dit souvent que j’ai un patronyme qui claque et que j’en impose. A vous d’en juger. Ma gueule de soudard et mes costards de mafieux pourraient laisser croire que je suis un homme de main. J’aurais pu faire carrière dans le roman de gare, j’aurais eu le rôle du tueur taiseux qui utilise un silencieux pour faire taire les maitres chanteurs, le genre de gorille qui jure fidélité à son parrain et qui finit une balle dans le dos.
J’ai un nom de brute et l’aura du type buriné qui en a vu d’autres, mais je ne suis qu’un ancien footballeur. Milieu de terrain brutal, dans les annéees 80-90, passé par le Dinamo Zagreb, le Partizan Belgrade, la sélection yougoslave, le VFB Stuttgart et la Sampdoria de Genes. Aujourd’hui retiré, j’exerce la profession d’entraîneur. Je viens d'être nommé à la tête de l'équipe de Macédoine. On dit que je suis un grand « motivateur » et un fin tacticien. Dans la presse, on me prête ce genre de propos : « Ma philosophie du football ? Tout est affaire de mental. Tout se passe dans la tête. » Je n’ai pas souvenir d’une telle déclaration. Mais un autre Srecko Katanec, un imposteur ayant volé mes papiers, aurait pu le dire.

En 2002, j’ai qualifié la Slovénie, mon petit pays, pour sa première Coupe du monde . On m’a célébré comme un héros, presque comme un mage. Les rues de Ljubljana étaient noires d’un monde qui criait : « Katanec », « Katanec ». C’est comme si, soudain, mon nom ne m’appartenait plus, presque dilué dans la multitude. J’eus ce jour-là l’impression, quasi physique, de me disséminer et de glisser le long de ce que Deleuze et Guattari appelaient des "lignes de fuite".

Je n’appartiens pas au groupe zéro mais je sais, grâce à des indiscrétions, que certains de ses membres me déroberaient volontiers mon nom pour l'utiliser comme pseudonyme. Je le leur laisse, je vous le laisse : je pourrais m’appeler Jean Cruchon ou Hans Gretel, cela ne changerait rien à ma situation et à mes costards criards.

zéro000

mardi 14 février 2006

quand je serai grand

L'ère de la potatoe machée à la hâte, par nos machoires de messieurs-dames patates, engloutir en vrac, concasser des fricassées, avec des rictus de porcelets : mozzarelle lyophilisée, briques de viande, ketchup, steak by steak, mayonnaise, frites, maman tu m'achètes un happy meal, maman il y a Ronald qui se passe des pelures d'oignon sous les aisselles, maman je veux être clown moi aussi, ou bouvier en choix n°2, maman il y a Ronald qui se branle entre mes bourrelets, je suis un enfant de 250 kilos qui fait la Une des tabloïds. Quand je serai grand, je fabriquerai des steaks. Dans mon CV, à la rubrique hobbies, il y aura : j'abats des cervelets, je décervèle des abats.

Et dans les entretiens d'embauche, toute ma civilisation finira par un vaste rot.

Quand je serai grand, je ferai ça.

zéro013

mardi 7 février 2006

zéro013 chez le notaire

Je prends un métro de retard, je repense aux maux d'estomac de cette nuit, j'ajuste ma cravate, je repense à l'insomnie, je déplie un quotidien économique, ma voisine porte des gants de satin, elle me taille un manitou, j'insère mon crayon de papier dans sa plèvre, je prends le petit-déjeuner avec elle, j'avale un bol de corne-flex, je quitte la rame, j'offre mon quotidien économique à un clochard, je sors de la bouche, j'ouvre la porte de l'office de notaire où je travaille, j'ai un quart d'heure de retard.

zéro013

jeudi 19 janvier 2006

Extrait d'un carnet

Tout ça pour laisser entendre que le groupe zéro ne dort pas. Une de ses caractéristiques est le travail dans l'ombre de sape, convulsif et prémonitoire.

double zéros horizontaux

jeudi 12 janvier 2006

Le tracteur rouge


D'une longueur de 5,45 mètres, d'une hauteur de 4,20 mètres et d'un poids de 15 tonnes, doté d'un gourvernail, d'un moteur à vapeur et de patins pour faciliter la traction, voici l'objet idéal pour éviter tout embourbement.

zéro04

mardi 10 janvier 2006

Exocet bis




Exaucer un exocet, c'est oser lui donner la parole, même quand il vous prend de court, même quand il surgit violemment d'un songe ou d'un flot. Je parlais d'exocet il y a quelques jours. J'expliquais sur ce blog que ce poisson-volant m'avait révélé les trames secrètes d'un vers d'Alain Bashung. Et hier, au détour d'un vieux dictionnaire, alors qu'on l'avait oublié, l'exocet a fait sa réapparition. La preuve par l'image.

Ps : la mauvaise odeur de poisson s'épanche sur le papier jauni d'un dico qu'on a trop consulté.

zéro011

mercredi 4 janvier 2006

zéro03 plus ou moins dans un McDo

Echoué dans un McDo, rue de Rennes, à deux pas de la tour Montparnasse, après une longue marche qui a débuté gare de l'Est avant de se poursuivre toute la journée : République, Halles, Saint-Michel, Saint-Germain, Odéon. Dans le Mc Do, on se tasse derrière la vitre qui donne sur la rue, c'est un spectacle ouvert aux quatre vents : le flux est ininterrompu.

On se dit fugacement que tous ces gens qui filent ont un point commun : ils sont tous nés d'un coït plus ou moins improvisé, plus ou moins désiré, plus ou moins imposé, plus ou moins sous-entendu, plus ou moins acrobatique, à la chorégraphie plus ou moins dantesque, plate et peu originale dans 95 % des cas, dans un lit la plupart du temps, à deux le plus souvent.

On s'enfonce dans nos hypothèses tourbeuses, pris d'un vague malaise, quand une femme maghrébine d'une quarantaine d'années vient s'assoir à deux sièges, en compagnie de sa fille, 7 ou 8 ans. Elles se plaquent elles aussi contre la grande baie vitrée et admirent le show des rues. La mère dit : "C'est beau. Comme si on était dans un café sur les Champs-Elysées à regarder les gens."
La petite fille ne dit rien, elle regarde sa mère avec de drôles d'yeux, ceux de sa mère brillent, elle est sur les Champs.
Avec nos histoires de coïts, on se sent soudain tout con.

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lundi 2 janvier 2006

gogols

Google écrabouille les distances, Google fait copuler tamanoir, tamis et manoirs, Google customise nos imaginaires, Google rhizomise tout ce qui bouge, Google est un tour-opérator pour obèses, Google est un tue-l'amour, Google est un baise-tout, un supermarché du sexe, Google est une dynamo en rut, inarrêtable, totalitaire, Google nous élargit et nous rétrécit en même temps, Google est une fourmilièreBernard Werber dissèque des fourmis de dix-huit mètres, où Robert Desnos parle latin et javanais, Google nous présente nos homonymes, Google préserve l'anonymat tout en exhibant nos fiches signalétiques, Google est un cocon-poche où l'on se blottit, où l'on se foetus, un cocon-poche d'où l'on ne sort plus.

Google incite à sortir cagoulé.

zéro11